Du 12 février au 7 mars 2021
Commissariat Pauline Lisowski
Avec : Lélia Demoisy, Lucie Linder, India Leire, Maud Louvrier Clerc
Présentations des artistes par la commissaire
Lélia Demoisy
Après un parcours à l’école des arts décoratifs de Paris avec pour spécialité la scénographie, Lélia Demoisy se consacre à la sculpture et à l’installation. Elle recueille, prend soin de différents bois et développe des techniques de façonnage de matériaux afin de leur donner une souplesse ou une rigidité. Ses travaux confrontent les espèces d’arbres avec l’acier et d’autres matières vivantes, plumes, peau, moulage de dents.... Ceux-ci présentent ainsi une ambiguïté entre la vraie nature et l’élément sculpté. Ils nous font réfléchir à notre posture d’être humain envers la nature.
Au fur et à mesure qu’elle modèle ses bois, elle tente de révéler une « beauté naturelle ». Son geste s’arrête dès que forme et matière fusionnent. Un nouvel être apparait alors pour nous faire songer à nos manières de maîtriser les arbres.
Elle préfère s’abstraire de la présence du socle pour présenter ses sculptures. Celles-ci pouvant ainsi d’autant plus nous inciter à nous donner envie de les prendre dans nos mains. D’autres sont considérées avec une approche quasi scientifique à la manière d’un cabinet de curiosité.
Elle combine les propriétés de la plante avec celles de l’animal. Dans la série Anima les formes rondes font écho aussi bien à celui-ci qu’à un élément organique. Lepus sollicite le toucher d’une matière, nouvelle peau, pour ressentir l’intérieur, l’inaccessible. Pinus, assemblage de morceaux de pommes de pin, recouverts de feuilles d’argent suggère une chrysalide, le développement d’un être, sa coquille, en transformation. L’artiste va jusqu’à conserver des couronnes de dents en céramique et les insère dans ses pièces en bois polis avec Dentine. Ces éléments deviennent bourgeons. Deux règnes sont associés pour révéler ce qu’est un individu, de la plante, à l’homme ou l’animal.
Ses voyages, au Canada, en Mongolie et récemment en Patagonie nourrissent sa démarche et l’amènent à travailler avec de nouveaux matériaux et d’autres médiums. Toujours en quête de nouvelles techniques à expérimenter, elle crée à partir de dessins d’un lichen qui pousse sur les arbres, les sérigraphies Etudes sur l’émergence évoquant l’apparition spontanée du vivant dans des endroits initialement stériles. L’installation Fossilisation forcée convoque une archéologie de la matière et donne à voir le cycle du vivant. Architecture réalisée à partir de branches de Thuya suspendues suggère un squelette d’animal. L’artiste cherche le décalage et efface les gestes du travail pour préserver les propriétés de chaque essence de bois qu’elle récolte et sculpte.
Il y a dans sa transformation des matériaux, une réflexion sur les ressemblances entre les règnes de l’ensemble des êtres vivants. D’où surgissent des émotions, des souvenirs, des sensations. Ses œuvres témoignent de son expérience de contact avec le végétal et l’animal. Elles associent la main de l’homme et les processus de croissance des éléments pour nous inviter à un retour aux origines d’une proximité entre l’homme et la nature.
Lucie Linder
Nos relations à la nature ne sont ni totalement bienveillantes, ni complétement néfastes, cette réflexion se reflète dans la démarche artistique de Lucie Linder. Pratiquant la photographie, la gravure, l’installation, la sculpture et la vidéo, elle dévoile un monde entre le réel et l’onirisme, teinté d’échos à des récits, des mythes et des contes d’époques lointaines. Au cœur de ses œuvres s’incarnent la disparition dans la diversité présente dans la nature, les dualités enchantement/désenchantement et désir/crainte.
Ses sculptures en porcelaine froide évoquent des mues d’animaux telles des dentelles à porter sur soi pour devenir un nouvel être hybride. Certaines sont faites pour être ensuite portées ou mises en scène au contact de la nature. La lumière les traverse et selon les contextes, ses œuvres invitent à une toute autre lecture. Des objets deviennent sacrés, pouvant être utilisés pour des rituels. Lucie Linder compose ainsi des reliques, des curiosités qui nous inspirent à une attention aux possibles histoires qu’elles contiennent.
Son attention à la forêt, qu’on retrouve souvent dans ses photographies, comme lieu de mystères l’amène à explorer la thématique du vivant entre mort et renaissance. L’artiste s’attache à mettre en œuvre un savoir-faire technique et ses pièces convoquent le temps d’un geste minutieux. Le motif qu’elle répète renvoie à un mouvement infini et fait référence à la formation des coraux. Portées, elles convoquent les rôles que nous jouons ; notre faiblesse est sublimée. Elles semblent coller à la peau et se figer ensuite en prenant l’empreinte d’une partie du corps.
Ses photographies convoquent la vulnérabilité et la sensibilité humaine. Elles incarnent une forme d’introspection de l’individu, les frontières entre le monde de l’enfance et celui de l’adulte.
Dans ses œuvres naissent des liens entre différents éléments, notamment celui entre la réalité d’une société et un monde plus instinctif. L’artiste nous ouvre les portes d’espaces intermédiaires et de paysages fantasmés dans ses vidéos. Celles-ci nous font prendre conscience de la peur que nous pouvons avoir dans les environnements naturels, d’une grande puissance. Des corps souvent choisis pour leur singularité se confrontent à des milieux marqués par une force et une immensité. De fait, des femmes créatures apparaissent et font écho aux différentes facettes qui nous constituent. Ces films expriment également l’ambiguïté entre le jeu et le danger, un potentiel risque et un possible accident. L’atmosphère de trouble qui y règne nous incite à songer à notre instabilité identitaire, à une perte de lien avec la nature et à une errance.
Récemment, des réminiscences d’images se dévoilent avec sa pratique du cyanotype. Elle associe son propre imaginaire à une imagerie collective. À partir de photographies personnelles et d’autres issues d’archives, elle fait apparaître des images dans lesquelles le sujet est parfois quasi effacé et donne naissance à un rêve. Les situations invitent à un retour aux sources, rendent compte de l’instinct féminin et de la part sauvage de l’Homme. En grattant l’image et en prêtant attention à sa matérialité, elle fait surgir des traces, des reflets, des détails en confrontation avec une impression de flottement. L’œuvre continue alors de vivre dans le temps.
India Leire
Le monde naturel, une source d’inspiration pour certains, une ambiance de paix pour d’autres, indéniablement important pour notre société. Face à la crise environnementale imminente et au changement climatique, la promotion de la biodiversité dans notre environnement, l’admiration de ses formes intrigantes et stupéfiantes, la façon dont elles bougent, est nécessaire pour sensibiliser la société à la valeur de la nature, sa place dans notre monde et sa survie à long terme. Enfin, la société se réveille, et se rend compte de la nécessité pour nous de coexister avec notre planète, de protéger les ressources fragiles que nous avons ici sur terre.
Le travail d’India Leire est une célébration du monde naturel, un hommage à sa beauté. Elle trouve ses inspirations dans un travail de terrain, dans des forêts, au bord de la mer ou dans les parcs et jardins de la ville mais aussi d’une botanique fantasmée, évoquant parfois le jardin imaginaire d’Alice au pays des Merveilles, le décor du Songe d’une nuit d’été ou encore certains aspects de la mythologie grecque. Elle observe avec beaucoup d’attention comme chaque plante bouge, se crée, ainsi que ses textures et formes. En mélangeant ces différentes images comme des formes sculpturales, elle travaille à créer des sculptures eco-friendly qui utilisent des matières naturelles comme le plâtre, la terre et les végétations des alentours.
En opposant la botanique au monde animal, India Leire créé des chimères, des sculptures hybrides axées autour d’un travail sur la texture, la forme et le mouvement. Elle souhaite créer un paysage onirique où elle manipule la végétation pour déstabiliser le spectateur.
Maud Louvrier Clerc
Pour approcher au plus près le vivant, Maud Louvrier-Clerc décloisonne les pratiques artistiques. Comme devant un paysage, elle explore son sujet, l’évolution. De la plante à l’environnement, elle tourne à 360° pour en saisir la complexité. Ses travaux nous invitent à contempler la beauté d’une biodiversité fragilisée par les bouleversements climatiques.
Depuis ses premières expérimentations, elle n’a de cesse d’interroger l’équilibre. Sa quête se retranscrit par les passerelles qu’elle tisse entre les disciplines, entre intérieur et extérieur, entre visible et invisible, humains et non-humains. Ses réflexions sur l’identité et sur nos manières d’habiter le monde ancrent sa démarche.
Sa première résidence à l’Institut des Futurs souhaitables en 2012 est fondatrice. Elle y questionne l’interdépendance. La différence l’amène à chercher ce qui nous relie et à développer des dispositifs participatifs. Sa recherche-action JEMONDE, exploration poétique et citoyenne de l’anthropocène, débutée en 2014 en est l’un de ses outils.
La nature est la principale source d’inspiration de la plasticienne, lui procurant apaisement comme énergie vitale. Les sciences et la philosophie accompagnent parallèlement ses réflexions. Ses origines et l’histoire de l’art influencent aussi son travail et témoignent des influences de nos racines sur notre vie.
Entre art figuratif où la plasticienne va prendre des objets comme symboles et art géométrique avec son motif fétiche du carrond, entre art et design, ses œuvres convoquent des sujets politiques sur la marche du monde.
L’ensemble de son travail révèle une artiste engagée pour la préservation de la biodiversité et des liens entre les individus. Maud Louvrier-Clerc nous incite à changer notre regard sur les différences et sur le cycle de la nature.